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Sénégal : Macky Sall est-il entré dans le mémorial de Gorée ?

C'est un serpent de mer qui réapparaît à intervalles réguliers depuis près de quarante ans. Et le poète Amadou Lamine Sall, secrétaire général de la Fondation Gorée, s'en est ému ces derniers jours dans une lettre ouverte au président sénégalais Macky Sall qui a largement circulé sur les sites Internet et les réseaux sociaux sénégalais.

« J’ai fait de la patience et du sacrifice mes compagnons de mission. Les grands projets comme le mémorial de Gorée ne peuvent être réalisés sans l'accord du prince. Nous avons perdu ce genre de validation du pouvoir politique depuis près de douze années longues et anxieuses », écrit-il.

affaire personelle

Le projet est ancien. Et Amadou Lamine Sall en a fait une affaire personnelle. Depuis les années 1980, l'idée de construire un mémorial dédié à Gorée à Dakar, à la limite ouest de la presqu'île du Cap-Vert, s'est progressivement imposée. Enclave insulaire mémorielle, à la fois vitrine du Sénégal, située à 3 km au large de Dakar, l'île de Gorée – classée par l'UNESCO au patrimoine mondial depuis 1978 – est en effet devenue un sanctuaire dédié à la mémoire de échange d'esclaves.

Mais aujourd'hui à Paris, où il est en convalescence, Amadou Lamine Sall est amer. Et il a tenu à le faire savoir en écrivant une tribune dans laquelle il critique les autorités sénégalaises, coupables, selon lui, d'avoir laissé ce noble projet en sommeil.

Si Macky Sall, arrivé au pouvoir en mars 2012, continue désormais, il n'est que le dernier des présidents sénégalais qui aura été associé à la gestation sans fin de ce monument. C'est en effet sous la direction de Léopold Sédar Senghor, en 1975, que germe l'embryon du projet, qui doit répondre à un désir exprimé à travers le monde par des artistes et des intellectuels. dérivé continent et la diaspora, dont le linguiste et historien des civilisations sénégalais Pathé Diagne était alors un porte-parole. Le poète-président profite alors de cette idée et en jette les prémices. L'objectif sera de « construire un monument en l'honneur de l'Afrique ».

triangle d'esclave

Abdou Diouf, qui a succédé à la tête de l'État en 1981, en a assumé la responsabilité. En 1986, il décide de concrétiser son ambition initiale en lui donnant plus d'ampleur. Le bâtiment devrait donc comprendre un complexe culturel dédié aux droits de l'homme et au dialogue entre les peuples.

« Durant les années 1980, l'idée de symboliser le triangle de la traite négrière entre l'Afrique, les Etats-Unis et les Antilles s'est imposée », rappelle Amadou Lamine Sall à JA. Alors qu'Abdou Diouf est au pouvoir, un projet architectural cosmopolite est né entre New York, la Guadeloupe et le Sénégal.

À partir de 1989, la communauté internationale se joint à la danse. Tour à tour, la Conférence générale de l'UNESCO, la première Conférence islamique des ministres de la Culture puis la Conférence de la Francophonie des ministres de la Culture ont exprimé leur enthousiasme et leur soutien au projet de mémorial.

Mais ce n'est qu'en 1997 que le concepteur retenu pour sa construction fut désigné, à l'issue d'un concours international d'architecture. Choisi à l'unanimité par le jury, l'Italien Ottavio Di Blasi se charge de donner corps à ce complexe dont les ambitions ne cessent de grandir. Désormais, le « Centre International des Mémoires du Monde » doit s'étendre sur un vaste périmètre : 11 640 m² de surface extérieure et 4 600 m² de surface intérieure.

Vous y trouverez, en désordre, un jardin noir, un marché d'artisanat africain, une terrasse circulaire à ciel ouvert, un parking de 164 places, des espaces d'expositions et de séminaires, une bibliothèque spécialisée dans l'histoire de l'esclavage, un magasin culturel, un projection en salle....

projet embryonnaire

Mais lorsqu’Abdoulaye Wade succède à Abdou Diouf à la présidence de la République en 2000, l’ensemble complexe est encore embryonnaire et n’existe que sur le papier. Elle y sera confinée durant les deux mandats du chef de l'Etat, qui préférera rendre hommage au continent à travers le monument de la Renaissance africaine, une statue en bronze qui domine Dakar depuis l'une des collines des Mamelles, et qui a également été transformée en Amériques.

Après son élection en 2012, Macky Sall a pris le projet en main et lui a insufflé un nouveau souffle. Il redonne vie à la Fondation Gorée et s'efforce de mobiliser les fonds qui rendraient possible la création du mémorial. "Il m'a appelé pour me dire qu'il était déterminé à faire de la construction du mémorial une réalité", a déclaré Amadou Lamine Sall. Ayons le courage de dire les choses telles qu'elles nous ont été imposées : un mécène s'est fait connaître, porteur d'une nouvelle maquette de ce projet, avec une offre de financement d'environ 13 millions d'euros. C'était lorsque le chanteur Youssou Ndour était ministre de la Culture [avril à octobre 2012]. »

Une partie de l'œuvre architecturale doit donc être construite à terre, pour représenter ceux qui sont restés, et une autre dans l'océan, pour honorer ceux qui sont partis... Le projet est aussi prévu que son coût. Valorisé en 1997 à 40 milliards de francs CFA, il sera ensuite réévalué à 80 milliards.

Mais, selon Amadou Lamine Sall, le président Macky Sall s'est empressé de rechercher des financements internationaux, prétextant qu'il perdrait du temps sur le chantier. Comme maître d'œuvre, elle a fait appel à une entreprise turque qui avait déjà une expérience avérée au Sénégal en matière grandes œuvres : Summa.

En août 2021, la Présidence de la République annonçait, via Tweet, que les chantiers débuteraient début 2022. L'espoir renaît... mais il durera longtemps.

L'échéance des travaux est désormais fixée à décembre 2023, à quelques semaines des élections présidentielles de février 2024. La Summa donne une garantie au chef de l'Etat, affirme Amadou Lamine Sall, selon qui l'entreprise devrait travailler en collaboration avec l'Apix, l'Agence pour la promotion du Investissements et grands travaux.

Une impasse s'engage alors entre la présidence (volontariste) et le ministère des Finances (qui est enfermé par quatre fers pour des raisons budgétaires), continue-t-on. Les décrets s’enchaînent, les promesses aussi, mais la balle rebondit souvent sur les billards sans jamais atteindre le trou. Summa contracte cependant un emprunt pour faire face à ses engagements.

Sur la corniche ouest de Dakar, entre la pointe ouest de l'Afrique de l'Ouest et le continent américain, un habitant attend depuis plusieurs décennies un monument censé symboliser la mémoire de la traite négrière.

En guise de prix de consolation, le sculpteur italien Ottavio Di Blasi est nominé pour avoir créé une réplique miniature du mémorial au sommet de l'île.

Jusqu’au jour où, à bout de patience, Amadou Lamine Sall reprend la plume pour clamer son impatience mêlée d’amertume. « L’héritage laissé par Macky Sall n’aura rien de culturel », s’irrite-t-il, sans crainte de fausser l’équilibre du chef de l’Etat sortant. Contacté par la jeune Afrique, Le ministre-conseiller El Hadj Hamidou Kassé, chargé des Arts et de la Culture, n'a pas répondu à nos demandes de précisions sur l'avancée du projet.

revue de projet

« Cela fait presque quarante ans qu'Ottavio Di Blasi a remporté ce concours », résume l'architecte sénégalais Pierre Goudiaby Atepa, qui soutenait alors l'initiative. Quatre décennies plus tard, il estime pourtant que « ce projet est très ancien » et qu’« il devrait être revu aujourd’hui ».

Amadou Lamine Sall indique que, malgré les promesses reçues du chef de l'État et d'Apix selon lesquelles le projet serait achevé avant la fin du deuxième mandat de Macky Sall, une agence de l'État l'a informé de « graves problèmes » qui perpétuent la malédiction qui semble s'associer ce projet s'est formé il y a si longtemps.

Pourtant, le 7 septembre, le Collectif des amis du patrimoine répondait, via une tribune invitée, que « ce projet mémoriel de Gorée [n'était] inutile, compte tenu du rôle éminent joué par l'île de Gorée et la Maison des Esclaves dans la vie collective. et la mémoire historique ». Et se souvenir d’autres travaux menés au Sénégal ces dernières années suffit amplement à honorer cette mémoire.

« Or, sur la même corniche de Dakar, se trouve la Place du Souvenir-Africain, le monument de la Renaissance africaine, inauguré en 2010, qui remplit sa programmation nationale et panafricaine. Le Musée des civilisations noires a ouvert ses portes le 1er décembre 2018. Le Musée d'art africain Théodore-Monod était en activité bien avant l'indépendance. L'île de Gorée, classée au patrimoine mondial, abrite la mythique Maison des Esclaves. Memory Island accueille chaque année des centaines de milliers de citoyens du monde entier. Dans ce cadre réduit, parsemé d'infrastructures qui rappellent notre histoire, le projet mémoriel de Gorée perd de sa pertinence et devient obsolète, et devrait donc être enterré », écrivent les auteurs de ce texte.

Pour autant, Amadou Lamine Sall ne cède pas. «Je ne suis qu'un petit homme qui porte ce projet depuis plus de trente ans et qui y croit», conclut le poète. Et dans mon coeur il y a à partir de maintenant construit. »

Yann Amoussou
Yann Amoussouhttps://afroapaixonados.com
Né au Bénin, Yann AMOUSSOU a apporté avec lui une grande richesse culturelle à son arrivée au Brésil en 2015. Diplômé en Relations Internationales de l'Université de Brasilia, il a fondé des entreprises telles que RoupasAfricanas.com et TecidosAfricanos.com, en plus de coordonner le volontariat projet « L'Afrique à l'école ». A 27 ans, Yann est passionné de panafricanisme et depuis tout petit il rêve de devenir président du Bénin. Sa quête constante d'approfondir la connaissance des cultures africaines l'a amené à créer la chaîne d'information AfroApaixonados.
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