En France, la guerre d'Algérie et le renforcement des relations entre la France et son ancienne colonie comptent sans aucun doute parmi les thèmes historiques les plus largement abordés dans la bande dessinée. Il ne se passe pas une année sans qu’un auteur et/ou illustrateur ne se penche sur le sujet. Les angles d’attaque sont différents, tout comme les points de vue. A titre d'exemple, nous citerons l'excellentDemain, demain : Nanterre, bidonville de folie1962-1966 suivi de Demain, demain : Gennevilliers, ville de transit, 1973 (de Laurent Maffre et Monique Hervo), qui raconte avec justesse l'accueil réservé aux immigrés argentins en région parisienne. Nous pensons également à A l'ombre de Carona(par Alain et Désirée Frappier) etOctobre noir (deDidier Daeninckx et Mako) sur la répression parisienne des manifestations de 1961 et 1962 ou encore. Retour à Saint-Laurent-des-Arabes(Daniel Blancou), traitant des conditions de vie des harkis en camps militaire.
« Alger-Retour » de Fred Neidhart
En cette année anniversaire des Accords d'Evian, deux nouvelles bandes dessinées viennent de paraître qui présentent les recherches de mémoire de jeunes Français spécifiques à ce passé colonial vécu par leurs parents ou grands-parents. Avec Alger-Retour (Marabulles, 114 pages, 16,90 euros), l'auteur-illustrateur Fred Neidhart raconte – du moins on le suppose – son propre parcours de jeune homme parti à la recherche des souvenirs de son père noir. Minimaliste, au look brut, elle explore leurs préjugés, leurs réactions au contact de la population locale, ainsi que les lacunes de la mémoire collective des deux côtés de la Méditerranée.
Aucune pitié pour lui et pour son père, qui a juré de ne plus jamais remettre les pieds en Algérie et qui lui dit : « Vous partez dans un pays étranger, mes employés sont très hostiles à notre égard… Vous n'avez plus aucun recours, si certains des les gars t'ont mis la main, on a dit : "tu as une histoire avec l'Algérie..."
Les tensions montent lorsqu'il a des ennuis avec un jeune Algérien. "Mais sérieusement! La France a limogé l'Algérie ! La vérité, vous devez nous rendre 1 milliard de dollars ! Plus d'intérêt ! Et demandez pardon ! », lui envoie le jeune passionné de jeux vidéo. Ce à quoi Daniel ne put s’empêcher de répondre : « Hé ! Mais n'en avez-vous pas marre de jouer à la victime ? La colonisation a pris fin il y a plus de 50 ans ! Je ne suis même pas né ! » Et ainsi de suite... Et c'est tout ce qui fait la valeur de cet ouvrage : un regard lucide et pénétrant sur un présent qui reste déterminé par un passé qui insiste douloureusement.
"Appelé Depuis Argélie 1954-1962 » de Swann Meralli et Deloupy
Ce passé indigeste est aussi au cœur deRecrues algériennes 1954-1962 (Marabulles, 128 pages, 18 euros), de Swann Meralli (scénario) et Deloupy (dessin). Un album qui commence par une dispute sur le terrain de football, où une jeune femme d'origine algérienne porte un t-shirt aux couleurs de son pays.
"J'ai dit que tu ne jouais même pas pour ton propre pays!" Vous me comprenez, n'est-ce pas ?!
– Normal, mon pays c’est l’Algérie.
– Et tu es fier ? Vous n'aimez même pas le pays qui vous a accueilli !
– Qu’entendez-vous par « collecté » ? Parce que je suis moins français que toi, non ?!
– Moi, mon pays, je l’aime, c’est tout ! Mes grands-parents étaient polonais et je n'ai pas de chemise polonaise ! »
Cette discussion virulente a donné lieu à une enquête et à une lente prise de conscience du jeune homme d'origine polonaise, Jérôme, dont le grand-père a participé à la guerre d'Algérie.
Pourquoi ne pas aimer votre pays dans toute sa splendeur, sans nier ses horreurs ?
Didactique et équilibré, l'albumDes recrues algériennes entremêle le présent et le passé, insiste sur les silences de ceux qui ont mené sur le terrain cette sale guerre. Comme chez Fred Neidhardt, il s'agit d'une recherche de la vérité – cette vérité qui ne peut naître que du dialogue, du désir de compréhension et de la confrontation apaisée des points de vue de chacun.
"Pourquoi ne pas aimer votre pays dans toute sa splendeur, sans nier ses horreurs ?", demande Jérôme. En espérant que comprendre notre passé fragmenté nous aidera à construire une solidarité future ! » Si un avenir solidaire paraît encore utopique, ces deux ouvrages ont déjà été présentés, à leur manière, pour une meilleure compréhension de l'Histoire. C'est un d'abord Non.