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Son lieu de résidence, il a choisi son option. Mais lorsqu'il nous accueille dans son appartement cossu de la banlieue est de Yaoundé, Tenor accepte de s'ouvrir sans filtre. L'argot « kamer » aux lèvres, le musicien évoque sa jeune carrière, ses succès qui, en quelques années seulement, l'ont propulsé au sommet du classement des « artistes ambulants » ; il parle de ce style unique, devenu sa marque de fabrique, et même des inévitables revers qui accompagnent la gloire.
Des studios de fortune au succès
A 24 ans, Ténor s'impose comme la plus grande figure de la musique urbaine camerounaise dont il devient l'un des ambassadeurs les plus expressifs. Chanteur et auteur-compositeur, l'artiste se démarque par sa polyvalence, passant du rap aux rythmes traditionnels avec une facilité déconcertante. «Je n'ai jamais voulu être défini musicalement», explique-t-il. C'est vrai, ma base c'est le rap, mais je préfère être touche-à-tout. Sa discographie est là pour illustrer cela : une longue liste de titres, dont de nombreux hits, aux sonorités très célèbres.
Pourtant, assure Tenor, il n'aurait jamais imaginé connaître un tel succès, lorsqu'il exerçait encore dans des studios improvisés à Edéa, ville de la Côte où il a passé une partie de son enfance. Jongler entre heures cours et plages de loisirs, il n'espérait ardemment que « la reconnaissance [de son] talent ». À cette époque de sa vie, la musique était avant tout une soupape de sécurité qui lui permettait d'oublier les vicissitudes d'un quotidien souvent difficile.
« Faites le dab »… avec Chantal Biya
Sa carrière musicale prend rapidement forme. Megoumou Thierry, dit Ténor, avait 18 ans lorsque son titre « Do le dab » fait un carton au Cameroun. Cette chanson est propulsée sur le devant de la scène. Le succès est devenu viral l'année suivante, grâce à sa prestation lors de la cérémonie de Canal 2'Or 2017 à Yaoundé, au cours de laquelle la première dame, Chantal Biya, a joué le jeu et fait un tampon, un geste popularisé par le footballeur Paul Pogba.
Les titres suivants ont reçu un accueil tout aussi enthousiaste de la part du public. « Kaba Ngondo », « Bad Things » ou encore « Déranger » – en collaboration avec le chanteur Bikutsi Mani Bella – le propulsent encore plus loin sur le devant de la scène. L'énergie qu'il dégage dans ses performances attire les maisons de disques, qui se précipitent pour le signer. C’est Universal Music Africa, alors en plein essor sur le continent, qui a raflé la mise en novembre 2017, en organisant une cérémonie pour annoncer l’heureux événement.
L'héritier de DJ Arafat
Avec ce label, Tenor entre dans la cour des grands. Les portes du marché ouest-africain et des collaborations avec des artistes de renom s'ouvrent alors à lui. Parmi eux se trouvait le DJ ivoirien Arafat, alors au sommet de son art. son en présentant avec Tenor, « Chicoter les tímpanos » en est la plus parfaite illustration : plus d'1 million de vues sur les plateformes de téléchargement en quelques jours seulement. C'est le début d'un duo de choc, mais qui ne durera pas longtemps.
Lorsqu'Arafat est décédé dans un accident de moto en août 2019, le public de la star du coupé-décalé a désigné Tenor comme son héritier. Le rappeur camerounais s’impose alors sur le trône des musiques urbaines en Afrique francophone. "Je n'ai pas de mots pour décrire ce que DJ Arafat a apporté à ma carrière et à ma vie", dit-il avec assurance, peinant à contenir son émotion en évoquant celui qu'il appelait "père". Mais il refuse d’être vu comme un clone de la légende ivoirienne : « Je suis et je continue d’être le Ténor du monde entier. Et cela ne m'empêche pas de toujours rendre hommage à Arafat. »
accident tragique
Tenor suit une carrière monotone. En 2020, il fonde son propre label (Ebanflang En Pire) et rejoint la jeune maison dans produit par Def Jam Afrique. L'année suivante, il sort un nouvel EP, Terre Mère.
Les récompenses et les spectacles se succèdent... Jusqu'à ce jeudi fatidique 15 juillet 2021. Au petit matin, à la sortie d'une discothèque de Douala, l'artiste perd le contrôle de la voiture et percute violemment un terre-plein. Il ressort inconscient, avec un avant-bras fracturé. Le sort des deux passagers du véhicule est plus tragique : l'un – le conducteur de la Mercedes de location – est admis aux soins intensifs dans un état critique ; l'autre, un étudiant de 19 ans, est décédé sur le coup.
Accusé d'homicide involontaire, Tenor sera détenu pendant près de deux mois. Il partage sa cellule avec Ondoa Nkou, ancien directeur général adjoint de la Banque internationale d'épargne et de crédit du Cameroun (Bicec), incarcéré pour détournement de fonds. Depuis plusieurs semaines, l’artiste a été la cible d’un intense lynchage sur les réseaux sociaux camerounais. Au tribunal, il plaide coupable. Mais la famille de la victime n'était pas témoin à l'audience au cours de laquelle il a fait cette déclaration. Elle soupçonne alors le juge de collusion et décide de le récuser. Après deux ans, l'affaire n'a plus jamais été signalée.
Ce drame l’a profondément marqué. "C'est difficile de parler de cette affaire car, quoi que je dise, quelle que soit la douleur que je puisse ressentir, certains ne prendront même pas la peine de m'écouter et penseront à porter un jugement", reconnaît Tenor, qui évoque un épisode "qui continue pour le terrifier. La justice a-t-elle été influencée comme le prétend la famille de l'étudiant ? La proximité avec la famille du directeur de l'office civil, Oswald Baboke, alimente tous les fantasmes.
Showman exubérant, jeune homme discret
Le fait est qu’après avoir bénéficié d’un lancement provisoire en septembre 2021, l’artiste s’engage à relancer la machine à succès et à shows. Depuis, il a couvert une cinquantaine de scènes à travers la planète. Un œil a toujours été fixé sur son rêve : se produire sur la scène de Bercy à Paris.
Montrer à l'homme exubérant sur scène, jeune homme discret et discret à la ville – où il profite de « moments de qualité » avec sa fille : telles sont les deux facettes que Tenor affiche aujourd’hui. Lequel se termine par une leçon qu'il dit avoir tirée de sa dernière relation amoureuse (avec l'actrice ivoirienne Eunice Zunon), "la vie est belle, il faut en profiter"... Pour profiter de est en fait son dernier titre, sorti en 2022. Ainsi parle le Ténor, le ton tonique ET fort.