Les événements s'annoncent houleux à Charm el-Cheikh, du 6 au 18 novembre. Il faut dire que les Africains sont mécontents, voire en colère, face à ce qu’ils considèrent comme une forme d’hypocrisie de la part des pays industrialisés. L'échec du sommet de Rotterdam l'a parfaitement illustré en septembre.
Cette conférence, une initiative des Africains le 26C'est La Conférence des Parties (COP26) a autorisé une contribution de 25 milliards de dollars pour financer l'adaptation au changement climatique sur le continent. Véritable fiasco, il s'est soldé par la promesse d'une enveloppe ridicule de… 55 millions de dollars.
«[…] 55 millions pour 54 pays», précisait Nana Akufo-Addo, alors en visite à Paris, quelques semaines plus tard. « Ce n’est pas juste, ce n’est pas juste. Appliquer le principe d’équité, ce n’est pas donner, c’est refuser de profiter d’un avantage qui ne vous appartient pas. Cela n'a rien à voir avec la charité», a-t-il insisté.
frustration
Le ton est donné. Aux Pays-Bas, où le président du Ghana représentait le continent aux côtés de Macky Sall et Félix Tshisekedi, non seulement l'engagement des dirigeants occidentaux (hommes politiques et industriels) n'a pas été à la hauteur des attentes, mais surtout ces derniers n'ont pas daigné assister à cette réunion à laquelle ils ont été invités. « Cela nous laisse un goût amer dans la bouche », n’a pas manqué de souligner le chef de l’État sénégalais et actuel président de l’Union africaine (UA). Ajoutant aux grands groupes industriels européens : « Ce sont eux les principaux pollueurs de cette planète, ce sont eux qui doivent financer ces changements. »
Que ce soit en août à Libreville lors de la Semaine africaine du climat, ou début octobre à Kinshasa à l'occasion de la pré-COP, sur la quasi-totalité du continent, à l'approche de cette COP27, un seul et même sentiment domine : la « frustration », souffle Tanguy Gahouma - Bekale, qui était négociateur en chef du groupe Afrique à la COP26.
« A Glasgow, explique-t-il, les Africains acceptent beaucoup de choses. Ils ont signé l’accord final, mais pas avant, par exemple, la mise en place d’un mécanisme de financement des « pertes et dommages ». en rapport dommages causés par les catastrophes climatiques. Le Gabonais, désormais conseiller du président Ali Bongo Ondimba, poursuit : « En contrepartie, l'engagement pris par les pays riches [en 2009] de mobiliser 100 milliards de dollars par an [entre 2020 et 2025] pour aider les économies en développement à lutter contre le réchauffement climatique doit enfin être atteint à partir de la COP27. A quelques semaines de l'événement, il semble que je ne serai pas là. »
1,6 billion de dollars nécessaires
Parallèlement, les besoins des pays en développement continuent de croître. On estime désormais que les économies africaines auront besoin entre 1 300 et 1 600 millions de dollars pour atteindre, en 2030, les objectifs de l’accord de Paris. Pour les représentants du continent, il ne s'agit plus de continuer à dresser des listes interminables de constats et de promesses. C’est un fait que ce sont leurs économies qui ont le moins d’influence sur les émissions de gaz à effet de serre. Il est également bien connu qu’ils sont également les plus considérés et les plus durement touchés par les sécheresses, les inondations et autres.
Enfin, il est incontestable que le continent est celui qui offre le mieux des solutions à la planète grâce à son couvert forestier – celui du bassin du Congo, en Afrique centrale, est le deuxième au monde –, ses importantes ressources photovoltaïques, minérales et ressources hydrauliques.
Une seule question urgente se pose désormais : alors que les pays industrialisés, notamment ceux du G20, sont responsables de 80% d’émissions de gaz à effet de serre, trouveront-ils enfin des solutions financières substantielles pour répondre à ces enjeux ? Pascal Lamy, ancien directeur général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et désormais membre du conseil d'administration de la Fondation Mo Ibrahim, estime que la Banque mondiale (BM) a également une responsabilité importante à assumer. « C'est une institution conçue pour lutter contre la pauvreté. Mais il tarde à s’attaquer au problème climatique qui génère la pauvreté en Afrique », accuse-t-il.
Comme le résume bien Ève Bazaïba, ministre de l’Environnement de la RDC : les pays africains, dont le vôtre, ont de plus en plus de mal à choisir entre lutter contre « l’extrême pauvreté » et financer la « lourde facture de l’adaptation au changement climatique ». » Son pays a ainsi récemment décidé de lancer des opérations de prospection et d'exploration pétrolières dans une partie de ses forêts et tourbières.
Hydrocarbures à usage domestique
En effet, dans la célèbre ville côtière du Sinaï, il s'agit donc de négocier des financements (subventions et investissements à long terme) pour aider les économies africaines à adapter leurs stratégies de développement au changement climatique. La transition énergétique sera également au centre des débats, une question particulièrement au centre des pays producteurs de pétrole et de gaz. Qui estime que quelles que soient les valeurs dégagées pour l’adaptation, cette transition doit être « juste et équilibrée ».
Autrement dit, que les économies africaines doivent continuer, contrairement aux décisions prises lors de la dernière COP de réduire les crédits et les financements des énergies fossiles, à explorer ces dernières pour soutenir leur développement. Cette position a surtout été exprimée par Macky Sall en juin : « Il est inconcevable que ceux qui exploitent le pétrole, le charbon et le fioul depuis plus d’un siècle empêchent les pays africains de développer leurs ressources. »
Le vice-président du Nigeria, Yemi Osinbajo, n'en dit pas plus. Lors du lancement cette année du plan de transition énergétique de son pays, dont le coût est estimé à 410 millions de dollars, il a déclaré : « Pour l'Afrique, le problème de la pauvreté énergétique est aussi important que nos ambitions climatiques. La consommation d’énergie est cruciale pour presque tous les aspects imaginables du développement. La richesse, la santé, la nutrition, l’eau, les infrastructures, l’éducation et l’espérance de vie sont étroitement liées à la consommation d’énergie par habitant. »
La vision de Macky Sall et Yemi Osinbajo a été quelque peu applaudie par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) lorsqu’elle a déclaré que les pays africains qui utilisent des combustibles fossiles à court terme – pour leur usage domestique plutôt que pour leur exportation – ont peu d’impact sur les émissions mondiales. Uniquement pour un usage domestique ? "C'est ça C'est aux Africains de décider s'ils exploitent pour eux-mêmes ou s'ils veulent exporter », répond Pascal Lamy. « Ils ont suffisamment de capacité pour exporter et consommer localement pour produire de l’énergie, des engrais ou dessaler l’eau de mer. Croissance démographique et niveau élevé des besoins», ajoute l'économiste français.
Finance verte et partage des connaissances
Reste la question du financement des projets pétroliers et gaziers. Car aujourd’hui, les institutions multilatérales, banques privées, protégés ou investisseurs en tout genre, contraints par les réglementations ESG, rechignent, comme on peut le voir en Ouganda, à soutenir le développement des gisements pétroliers. À cet égard, la Banque européenne d'investissement (BEI) s'est récemment distinguée par la position particulièrement catégorique de son président, Werner Hoyer, qui, selon Temps Financier, entend mettre fin au financement de la production de gaz, encore considérée, avec l'énergie nucléaire, comme une énergie de transition par l'Union européenne (UE), institution dont elle dépend. « Ce sont des positions qui pénalisent avant tout les Africains, car les économies développées ont les moyens de se passer de ce type d’institutions. »
Mais sur le continent, de nombreuses voix défendent également un modèle basé sur la promotion des énergies renouvelables. Parmi eux, Evans Osano, directeur des marchés de capitaux chez FSD Africa, spécialisé dans la finance verte. Il a déclaré que le continent ne dispose pas des mêmes infrastructures énergétiques que l’Occident, et qu’il peut donc éviter une phase de développement des combustibles fossiles et établir dès maintenant un nouvel ordre.
Il estime que l'application de bonnes pratiques dans les secteurs productifs tels que l'agriculture, l'eau, l'énergie et les ressources minérales – les principaux moteurs de la croissance économique du continent – peut aider à orienter les pays vers les énergies renouvelables, à générer des emplois et à développer une « industrie manufacturière ». "des espaces verts." Selon ce financier kenyan, cela pourrait être l'occasion pour les pays africains de rééquilibrer les rapports de force entre le Nord et le Sud, en faisant les choses dès le début, ou en tirant les leçons des erreurs occidentales.
Directeur général du Centre mondial sur l'adaptation, une organisation internationale qui joue le rôle d'intermédiaire dans la mise en œuvre de solutions d'adaptation climatique, Patrick Verkooijen estime que la seule manière d'enrayer l'urgence climatique est « de garantir que l'argent qui circule en Afrique » soit « un moyen de garantir que l'argent circule en Afrique ». Et ce flux doit se produire en temps réel, affirment-ils.
L'argent ne suffit pas, déclare Mahmoud Mohieldin, le principal défenseur des changements climatiques de l'ONU en Égypte. Et de préciser jeune Afrique « C’est aussi une question de connaissances techniques, de partage des connaissances [et] de progrès en recherche et développement. Aujourd’hui, nous sommes plus à l’aise pour parler de sources d’énergie renouvelables, car au cours des dix dernières années, il y a eu une énorme réduction des coûts de près de 95%, notamment dans le cas de l’énergie solaire. »
Croissance des énergies renouvelables
Malgré la réticence de nombreuses entreprises à investir dans des projets énergétiques en Afrique, affirmant que les risques sont plus grands qu'ailleurs, force est de constater que la capacité d'énergie renouvelable en Afrique a augmenté de plus de 24 gigawatts (GW) depuis 2013. Et cette croissance a été considérable. porté par les projets solaires et éoliens en Afrique du Nord et de l’Est, notamment en Égypte, en Algérie, en Tunisie, au Maroc et en Éthiopie.
D’autres exemples émergent dans d’autres parties du continent. Au Sénégal, par exemple, la technologie photovoltaïque a permis au pays de construire sa source d’énergie la moins chère. De même, l’Afrique du Sud réalise actuellement ce qui sera son plus gros investissement dans les énergies renouvelables : son projet d’énergie solaire concentrée Redstone de 100 MW. Et au Kenya, le projet éolien du lac Turkana produit 310 MW, soit suffisamment pour alimenter plus d’un million de foyers.
Même si l'Afrique poursuit tous ses projets d'adaptation environnementale, cela ne la protégera pas de la spirale du changement climatique provoquée par l'incapacité de l'Occident à atteindre ses propres objectifs. Selon Mahmoud Mohieldin, la pression augmente pour que la COP27 ne soit pas une simple conférence de « promesses et engagements inutile".