jeudi, novembre 21, 2024
CommencerArchitectureA Abidjan, la pyramide brutaliste d'Olivieri, passé et présent

A Abidjan, la pyramide brutaliste d'Olivieri, passé et présent

En accédant à la ville du Plateau par l'avenue Chardy, les bâtiments blancs, vestiges du passé colonial, sont éclipsés par des immeubles ultramodernes. Le bâtiment du Fonds de stabilisation et de soutien des prix de production agricole (Caistab) abrite le ministère de l'Agriculture et le Conseil du Café-Cacao. C'est l'une des premières tours du paysage abidjanais construite après l'indépendance. Tout un symbole, voulu par le président Félix Houphouët-Boigny, pour souligner l'importance de l'agriculture dans l'économie de la Côte d'Ivoire. A quelques mètres du Caistab se trouve le Postel 2001, à la façade de verre rose, construit au début des années 1980. Moderne et pétillant.

Paysage architectural sur cartes postales

Dans ce contexte post-indépendance, où le pays bénéficie d'une conjoncture économique favorable, Houphouët veut faire d'Abidjan la vitrine d'une Afrique prospère. Plusieurs projets publics et privés voient le jour à Planalto, un quartier d'affaires. C'est le cas de la Pyramide, également située à quelques mètres des deux premiers bâtiments. Ces bâtiments, qui ont longtemps marqué le paysage architectural d'Abidjan, sont ensuite apparus sur les cartes postales.

De par sa forme et son architecture brutaliste, la Pyramide se démarque encore aujourd'hui de son environnement. Et pourtant, ça colle parfaitement. Conçu par l'architecte italien Rinaldo Olivieri et construit entre 1968 et 1973, le bâtiment fait aujourd'hui partie du patrimoine ivoirien. Même si Olivieri a travaillé une dizaine d'années à Abidjan et y a construit d'autres édifices, la Pyramide reste son œuvre la plus connue. Aujourd'hui encore, il fait l'objet de thèses dans les écoles d'architecture et apparaît dans des ouvrages spécialisés comme un exemple du style brutaliste, populaire entre les années 1950 et 1970. Il présente du béton brut, sans revêtement, et des lattes d'aluminium à l'extérieur. .

Figure emblématique du Plateau

« Aujourd'hui encore, le bâtiment La Pyramide, qui a marqué plusieurs générations, est l'une des figures emblématiques les plus importantes de la ville. C'est un pont entre le présent et le passé et les conséquences, malgré les ravages du temps, d'un bâtiment futuriste emblématique », confie Jacques Ehouo, adjoint au maire de Planalto. Malgré la couche de pollution qui, au fil des années, a terni l'éclat des lattes et des plantes qui poussent à certains étages, la structure du bâtiment elle-même a assez bien résisté au temps, s'accordent les experts. Cinquante ans après la construction du bâtiment, l'architecte Issa Diabaté constate qu'il a « bien vieilli ». « Quand vous êtes dehors, vous ne voyez aucune vitre. Ceux-ci sont protégés par des lamelles en aluminium qui bloquent le soleil et empêchent le rayonnement direct sur le verre. C'est un bâtiment qui fonctionne très bien d'un point de vue bioclimatique", analyse-t-il. Plusieurs autres créations de cette période à Abidjan ont en commun cette vision d'utiliser des matériaux locaux et d'organiser les pièces de manière à optimiser la ventilation et la lumière.

En entrant dans l'entrée, deux escaliers en aluminium sont visibles, reliant le hall aux étages supérieurs. Elles sont dominées par des lustres, également métalliques. De forme triangulaire, les lignes directrices sont assurées par la particularité de plusieurs colonnes qui s'ouvrent vers le haut, formant la pyramide. Après plusieurs années d’inutilisation, des signes d’usure ont commencé à apparaître. L'eau de pluie s'infiltre et stagne à l'intérieur du bâtiment, fermé au public. Les traces de ses derniers occupants sont encore visibles. « Flash Service », peut-on lire à l’époque comme l’une des activités de la galerie. Il offrait, entre autres, des services de cordonnerie. Un peu plus loin se trouvait un « club d'investissement », où l'on pouvait recevoir des « conseils d'entrepreneur ». Dans l’un des bureaux de l’étage supérieur, visible de l’extérieur, s’entassent des piles de documents. Archives d'un passé qui pourrait disparaître faute de conservation.

Une petite plaque discrète inscrit le nom du bâtiment, de son architecte et de son promoteur. La Société Ivoirienne de Participations Economiques (Socipec SA) en a été l'initiatrice et l'État a assuré la maîtrise d'œuvre du projet. Ce dernier était en effet actionnaire de la Socipec. Ces données seront importantes plus tard, dans la longue bataille entre le gouvernement et les promoteurs privés pour la propriété du bâtiment, expliquant pourquoi il a été abandonné pendant des années.

Immeuble commercial et vue panoramique

Pour les initiateurs du projet, dans les années 1970, l'idée était de construire un bâtiment commercial au centre du Plateau, bien avant la commande de ces temples de la consommation à Abidjan. Dans un dépliant publicitaire de l'époque, adressé aux futurs occupants, la Socipec présentait le « centre commercial La Pyramide » comme « une création originale louée à des prix imbattables ».

Le bâtiment comporte dix niveaux, répartis comme suit : trois, dans la grotte, sont organisés en garage et supermarché ; deux sont dédiés aux commerces et bureaux. Le bâtiment abritait également un restaurant, une discothèque et des studios, selon le plan original. « Certains studios prévus aux niveaux supérieurs sont conçus et traités avec le raffinement du goût italien. Chacun bénéficie d'une vue panoramique, bénéficiant de grands balcons protégés et de tout le confort moderne", peut-on également lire.

Jusqu’à la fin des années 1990, la Pyramide fonctionnait comme une ville dans la ville. Il faut donc l'imaginer plein de monde et vivant, pleinement intégré à la vie du Planalto. Il abrita par la suite quelques services publics, avant d'être définitivement abandonné. Outre son état dégradé, il ne répond plus aux normes de sécurité. Mais tant que la question de sa propriété légale n’était pas résolue, toute tentative de renouvellement était vouée à l’échec.

Peintures et graffitis

En novembre 2016, les autorités ivoiriennes ont approuvé un décret déclarant le bâtiment d'utilité publique, afin de le restituer à son patrimoine. Ainsi, après avoir annoncé qu'un accord avait été trouvé, sans en préciser les contours, et déclaré que La Pyramide appartenait « à nouveau à l'État de Côte d'Ivoire », le ministre de la Construction, Bruno Koné, a visité l'édifice en août 2021. .

Cette visite actif J'avais beaucoup d'espoir de voir la Pyramide ressusciter. Mais près de deux ans plus tard, rien n’a changé. Les artistes ont donc décidé d'attirer l'attention sur le bâtiment à travers l'initiative « Pyramide 2023 : demain est né ». Plusieurs peintures ont été réalisées sur les murs extérieurs. Certains saluent le bâtiment en représentant certaines de ses caractéristiques. D'autres, très colorées, contrastent avec l'aspect plutôt austère du bâtiment. Pascal Konan, Aboudia, l'Espagnol Dourone et Amah Cynthia Dongo, ainsi que des étudiants de l'Instituto Superior Nacional de Artes e Action Cultural (Insaac) se sont produits à l'occasion du cinquantième anniversaire de la Pyramide, en avril dernier. La cérémonie s'est déroulée en présence de Bruno Koné, de la ministre de la Culture, Françoise Remarck, et du maire du Plateau, Jacques Ehouo.

Litige immobilier

Est-ce que cela aura suffi ? Si, pour l’heure, aucune annonce officielle n’a été faite quant à l’avenir de la Pyramide, une chose est sûre : sa destruction n’est pas à l’ordre du jour. Le ministre de la Construction a également tenu à rassurer sur ce sujet. Bien qu’il s’agisse indéniablement d’un joyau architectural, le bâtiment lui-même serait aujourd’hui moins rentable en raison du terrain sur lequel il est implanté. S'il abritait, par exemple, un hôtel. Plusieurs possibilités s'offrent au gouvernement pour sa réforme et son fonctionnement. En 2015, les autorités ont conclu un accord avec la société espagnole Barranco Del Rey dans le cadre d'un partenariat public-privé. Mais compte tenu du différend sur la propriété du bâtiment, cet accord a atteint la phase de conception.

Parmi les projets de rénovation figure la proposition de Francis Sossah, architecte du Palais de la culture. Lui qui a conseillé plusieurs ministres voudrait en faire un lieu… de culture. Il est responsable d'un projet intitulé Pyramide des Arts Modernes et de l'Histoire d'Abidjan (PAMH'A). Cela permettrait, dans un deuxième temps, d'obtenir un espace plus grand pour le musée actuel, d'héberger les œuvres rapatriées et de stocker et conserver les pièces. Le lodge pourrait également accueillir des artistes résidents. Le projet dispose d'une salle de conférence, d'un restaurant panoramique, de bureaux et d'une bibliothèque. Selon l'architecte, une rénovation sans équipement pourrait coûter au moins 25 milliards de francs CFA, pour les 25 mille m2 du bâtiment.

Promouvoir les artistes locaux

« Nous nous inscrivons dans une vision patrimoniale », explique l'architecte, qui ajoute : « Au-delà du bon restaurant Pirâmide, qui est déjà un acte patrimonial, cette démarche doit se poursuivre avec les objets culturels. L'activité récente des artistes dans le bâtiment prouve que sa destination finale ne peut être qu'un lieu de culture et d'échange. »

Une vision partagée par de nombreux acteurs, dont le président de la ville : « Au milieu de tous ces chutes de béton et de verre, un espace dédié à l'art à destination de la ville d'affaires. Il permettra notamment aux artistes locaux de collaborer, en leur offrant un espace pour exposer leurs œuvres, qu'elles soient émergentes ou établies. La Pyramide dans sa nouvelle vie contribuera également à faire du Plateau une oasis de culture dans le grand Abidjan, en offrant un espace de rencontre et de partage avec des commerces, des restaurants, des cafés avec terrasses, etc. croissance économique de la ville, tout en valorisant la culture et le patrimoine de la Côte d'Ivoire. »

Après plusieurs échanges avec les directions des ministères concernés, Francis Sossah continue de défendre son projet. Il a envoyé des lettres aux autorités pour leur demander de transformer la Pyramide en musée et dirige, avec le Moma et le Musée d'Ottawa, les travaux de restauration des œuvres. Si son projet est retenu, il espère parvenir à un accord pour le développer jusqu'au bout dans Oh année.

Yann Amoussou
Yann Amoussouhttps://afroapaixonados.com
Né au Bénin, Yann AMOUSSOU a apporté avec lui une grande richesse culturelle à son arrivée au Brésil en 2015. Diplômé en Relations Internationales de l'Université de Brasilia, il a fondé des entreprises telles que RoupasAfricanas.com et TecidosAfricanos.com, en plus de coordonner le volontariat projet « L'Afrique à l'école ». A 27 ans, Yann est passionné de panafricanisme et depuis tout petit il rêve de devenir président du Bénin. Sa quête constante d'approfondir la connaissance des cultures africaines l'a amené à créer la chaîne d'information AfroApaixonados.
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